En 1993, l’ancienne première ministre Kim Campbell avait affirmé qu’une campagne électorale n’était pas le moment pour discuter de questions importantes, des propos qui ont été abondamment cités par la suite. Avec tout le respect que nous devons à la très honorable Kim Campbell, les campagnes électorales offrent au contraire d’excellentes conditions aux Canadiens pour talonner leurs politiciens sur les questions qui comptent pour les électeurs.
Le fait est que les Canadiens iront aux urnes dans un peu plus d’un mois. Il est grand temps que ceux qui cherchent à nous représenter à Ottawa nous expliquent comment ils entendent appuyer de manière significative l’innovation et la transformation dans le système de santé du Canada.
Les Canadiens veulent que le fédéral assume un leadership en matière de soins de santé. C’est une réalité, comme en font foi les résultats des sondages depuis des décennies. Le dernier en liste, un sondage Angus Reid publié le 26 août. Ce sondage a révélé que 71 % des électeurs indécis interrogés considèrent qu’un meilleur accès aux soins de santé est le principal enjeu électoral; chez les Canadiens de plus de 55 ans, ce pourcentage grimpe à 80 %.
Mais par où commencer? Dans un premier temps, les candidats pourraient corriger l’erreur de longue date du gouvernement fédéral du Canada de ne pas investir dans l’infrastructure des soins de santé ou dans l’innovation en santé menée par les établissements de santé.
En 2018, le gouvernement du Canada a mis en place un plan d’infrastructure important comportant des investissements de plus de 180 milliards $ sur 12 ans. Ces investissements subventionneront des infrastructures en transport, des installations de traitement de l’eau et des eaux usées et des infrastructures éducatives et sociales.
Que manque-t-il à cette liste? Les infrastructures en santé. En fait, les hôpitaux ont été explicitement exclus des programmes de subvention d’Infrastructure Canada depuis plus de dix ans.
Les programmes en innovation du Canada – qu’ils soient administrés par Innovation Canada ou par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) – écartent le leadership des fournisseurs de soins de santé.
Innovation Canada privilégie le leadership de l’industrie, tant dans le cadre de l’Initiative des supergrappes d’innovation que dans le Fonds stratégique pour l’innovation, et tend à reléguer les organisations de soins de santé à un rôle de soutien. Pendant ce temps, la FCI exige que les demandes des hôpitaux soient approuvées par le recteur d’une université, dont les priorités sont fort probablement ailleurs.
Pourquoi fait-on cela? Pourquoi conçoit-on ces programmes de manière à ce qu’il soit difficile, peut-être même impossible, que les hôpitaux, les chercheurs et les patients en bénéficient?
D’aucuns diront que le fédéralisme s’y oppose; que ce qui se passe dans un hôpital n’est pas du ressort du gouvernement fédéral, mais ce n’est pas exact. En fait, le Programme fédéral de subvention pour la construction d’hôpitaux, qui a été en place de 1948 à 1970, a été le moteur financier de la construction de l’infrastructure hospitalière actuelle. Malheureusement, ce moteur s’est arrêté.
Les électeurs canadiens doivent tenir le gouvernement fédéral responsable de l’entretien et de la maintenance des hôpitaux qu’il a contribué à créer. Nombre de ces établissements ont aujourd’hui désespérément besoin de rénovations, d’autant plus que la demande augmente en raison de la croissance et du vieillissement de la population.
Près de la moitié des hôpitaux du Canada ont plus de 50 ans. On ne peut pas s’attendre à une médecine du 21e siècle dans un bâtiment conçu pour les modèles de prestation des soins d’il y a un demi-siècle.
Notre infrastructure hospitalière vieillissante a également un malheureux effet secondaire : elle consomme environ 11 % de toute l’énergie publique et représente collectivement plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Non seulement l’infrastructure hospitalière moderne est importante pour offrir de meilleurs soins, mais elle représente aussi une solution beaucoup plus écologique.
À la fin de juillet, parmi bien d’autres annonces semblables, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 1 million $ pour des travaux d’amélioration plus que nécessaires à l’aréna Blackburn dans l’est d’Ottawa, un bâtiment de 46 ans.
C’est bien correct, mais pendant cette campagne électorale, comptons un but là où ça compte vraiment – dans des soins de santé innovants pour tous les Canadiens.
Paul-Émile Cloutier
Président et chef de la direction, SoinsSantéCAN