Dans les établissements, partout au Canada, la modernisation et la rénovation des installations sont reportées parce que tous les fonds doivent servir à répondre à la demande de services.
C’est une réalité de la vie politique au Canada que la question des soins de santé, ironiquement, est celle qui préoccupe le plus les électeurs, mais qu’elle génère rarement des moments de campagne virale. En tant que groupe de défense des intérêts des organisations de soins de santé et des hôpitaux du Canada, SoinsSantéCAN a trouvé extrêmement inquiétant l’écart entre le niveau de préoccupation des Canadiens à l’égard des soins de santé et le niveau d’attention qu’on y a accordé pendant la récente campagne électorale et les débats des chefs.
Mais parfois, en politique comme dans le sport, des histoires semblables à celle de Cendrillon surviennent. L’élection du 21 octobre a donné lieu à un gouvernement minoritaire et le passé nous apprend que ces gouvernements peuvent être très bons pour les soins de santé canadiens.
En 1966, sous le gouvernement libéral de Lester Pearson et sous la pression morale du chef du NPD de l’époque, Tommy Douglas – qui avait été choisi devant les grands du hockey et des hommes d’État, comme le plus grand Canadien de l’histoire dans un sondage de la CBC pour son rôle de père de l’assurance-maladie – le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les soins médicaux, qui établissait le système de soins de santé public du pays.
Dans la 43e législature du Canada, l’engagement du Parti libéral à l’égard d’un filet de sécurité sociale sera mis à profit par le rôle fondamental du NPD en tant que champion des soins de santé universels. La plus grande préoccupation des Canadiens – les soins de santé – fera ainsi concurrence à d’autres priorités importantes, y compris les changements climatiques et les préoccupations économiques. Bien que la promesse d’un régime national d’assurance médicaments ait été au cœur de bien des discussions récentes sur la réforme des soins de santé, la couverture universelle des médicaments ne peut remplacer l’investissement urgent nécessaire dans l’infrastructure, l’innovation et la recherche dans le domaine des soins de santé au Canada.
Comme l’a dit David Naylor, président du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la recherche scientifique, qui a déposé son rapport en 2017, le système de santé du Canada « n’est pas tant en crise qu’en stagnation ». Nous avons un bassin de capital humain dans nos hôpitaux, nos cliniques, nos universités, nos laboratoires privés et nos agences de santé publique qui est sans égal dans le monde. Mais ce capital humain exceptionnel compense – quoiqu’ingénieusement – le vieillissement des infrastructures, l’inefficacité du financement de l’innovation et l’insuffisance de l’investissement en recherche.
Dans les établissements, partout au Canada, la modernisation et la rénovation des installations sont reportées parce que tous les fonds doivent servir à répondre à la demande de services. La prestation de soins aux patients de la plus grande qualité sera toujours primordiale pour les établissements de santé canadiens, mais nos médecins et nos infirmières ne peuvent optimiser les avantages de la nouvelle technologie dans des installations construites avant l’invention du stimulateur cardiaque. Nos visionnaires les plus brillants ne développeront pas cette technologie au Canada si notre régime de financement de l’innovation est discriminatoire envers les praticiens de première ligne. Nos chercheurs continueront de remporter des Prix Nobel dans des universités à l’extérieur du Canada et d’être attirés à l’étranger pour réaliser des découvertes capitales dans les domaines du cancer, du diabète, de l’autisme et d’autres domaines de recherche cruciaux qui améliorent les résultats pour des millions de personnes si nous ne ciblons pas mieux nos investissements.
La santé est beaucoup, beaucoup plus qu’un centre de coûts. Le secteur est un important moteur de l’économie du Canada, générant plus de 10 pour cent du PIB du pays annuellement et soutenant plus de deux millions d’emplois, selon le Conference Board du Canada.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la connectivité numérique fait du partage des connaissances et de l’information en temps réel, de la collaboration interdisciplinaire et de l’adoption des meilleures pratiques au-delà des frontières institutionnelles et géographiques plus que de simples aspirations. Le Canada peut être un chef de file mondial de l’innovation en santé s’il tire parti de la technologie et des plateformes de données dans la prestation des soins de santé.
Rien de tout cela ne peut toutefois être accompli si Ottawa ne nivelle pas les règles du jeu et s’il n’ouvre pas la concurrence pour les programmes fédéraux de financement de la recherche, de l’innovation et des infrastructures aux hôpitaux et aux instituts de recherche, comme l’a recommandé le Comité permanent des finances de la Chambre des communes en 2018.
En 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé un investissement louable de 11 milliards $ sur 10 ans pour les provinces et territoires. Ce montant est spécifiquement dédié à des améliorations aux soins à domicile et en milieu communautaire et à des services en santé mentale et en toxicomanie, et il est administré dans le cadre d’ententes bilatérales. Ottawa a également alloué 544 millions $ sur cinq ans aux organisations de santé fédérales et pancanadiennes pour appuyer l’innovation en santé et les initiatives pharmaceutiques.
Toutefois, dans cette époque où 40 pour cent de toutes les dépenses provinciales sont consacrés aux soins de santé, le gouvernement fédéral doit faire plus pour aider les établissements de santé, y compris les hôpitaux et les instituts de recherche, à évoluer pour répondre aux besoins de la population croissante et vieillissante du Canada.
Avec l’assermentation d’un nouveau ministre fédéral de la Santé le 20 novembre prochain, la convocation d’un nouveau Parlement et un discours du trône, puis le dépôt du premier budget du gouvernement minoritaire, la nouvelle réalité politique du Canada offre à Ottawa de nombreuses occasions de réagir aux résultats de cette élection par une collaboration productive plutôt que par la division.