Par Renato Discenza, président et chef de la direction, HealthPRO, et Paul-Émile Cloutier, président et chef de la direction de SoinsSantéCAN.
Maintenant que le gouvernement fédéral a dévoilé son plan de dépenses pour l’année à venir, sa conversation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux au sujet du Transfert canadien en matière de santé (TCS) prendra un caractère plus pressant.
Les deux dernières années de lutte contre une pandémie de COVID-19 incessante ont révélé de véritables failles dans notre système de soins de santé et ont changé la façon dont de nombreux Canadiens envisagent les décisions relatives aux soins de santé. Pour quiconque a porté attention à la situation, il est plus facile de voir le lien direct entre le niveau de financement que nos provinces reçoivent du gouvernement fédéral et notre accès aux traitements et aux soins qui ont un impact sur notre santé et notre bien-être.
Il suffit de penser à quel point la lutte contre la pandémie a fait dérailler les procédures chirurgicales de routine et a créé de longues listes d’attente pour des milliers de Canadiens – en Ontario seulement, plus d’un million de personnes sont en attente d’une chirurgie.
L’annonce prébudgétaire du gouvernement fédéral indiquant qu’il fournira aux provinces et territoires un supplément ponctuel de 2 milliards $ pour réduire l’arriéré accumulé et améliorer l’accès aux soins est une bonne nouvelle. C’est un signal prometteur qu’Ottawa souhaite travailler avec les provinces et territoires pour atténuer certaines pressions qui les touchent en raison de la pandémie.
Au cours des deux dernières années, tous les ordres de gouvernement ont démontré qu’en temps de crise, ils sont prêts à prendre des mesures extraordinaires et à augmenter les dépenses pour protéger la santé des Canadiens.
Mais qu’en est-il alors que nous tentons de revenir à des situations plus normales et que nous émergeons de cette pandémie qui perdure? Chaque année, nous assistons à un tour de passe-passe politique pour savoir si le gouvernement fédéral devrait augmenter les dépenses provinciales en matière de soins de santé.
Le temps est maintenant venu d’examiner comment nous pouvons améliorer le cadre du CST.
Si Ottawa veut aider les provinces à offrir les services de soins de santé publics et universels dont nous sommes tous fiers, il devrait envisager une approche qui concorde avec l’objectif qu’elles veulent atteindre et avec ce que nous voulons – une meilleure santé pour les Canadiens.
Le gouvernement fédéral devrait envisager une approche de financement fondée sur les résultats. Dans ce modèle, les provinces recevraient une augmentation des transferts en santé pour améliorer des indicateurs de performance permettant de mesurer l’impact sur la santé des Canadiens et pour rendre compte publiquement des progrès réalisés par rapport à ces indicateurs.
Ces indicateurs pourraient porter sur la réduction des temps d’attente pour un large éventail d’examens de diagnostic ou de chirurgies; l’accès à des services spécialisés; ou la réduction des visites à l’hôpital pour des maladies chroniques particulières – mais l’aspect essentiel d’un tel modèle, c’est qu’il appartiendrait à chaque province de les choisir.
Les provinces pourraient ainsi décider d’allouer les fonds à la technologie, à la recherche, à l’innovation, à l’éducation ou à la dotation de personnel – en fonction de leurs besoins pour atteindre les résultats sur lesquels elles sont évaluées. Le gouvernement fédéral dispose de l’infrastructure de données en santé pour mesurer ces indicateurs et aider les provinces à en établir certains.
Cette approche crée une obligation de rendre compte entre les gouvernements, mais plus important encore, elle crée une obligation de rendre compte envers le public et les patients. La création d’un modèle dans lequel les dollars du TCS sont axés sur l’amélioration d’indicateurs de la santé particuliers crée aussi une telle obligation – et tous les contribuables canadiens le méritent bien.
Par ailleurs, ce modèle permet aux provinces d’établir leurs propres priorités. Le Canada est un pays diversifié et les besoins en matière de soins de santé varient d’une province à l’autre. Les priorités du système de santé de l’Alberta en 2022 pourraient être bien différentes de celles du système de santé de la Nouvelle-Écosse.
En tant que membres du système de santé dans un sens large, nos organisations nationales – SoinsSantéCAN et HealthPRO – partagent un point de vue unique sur la relation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et le débat en cours sur le financement de la santé. Parfois, une idée surgit du simple fait d’être dans une position qui permet d’observer la situation sous un angle différent. C’est ce qui se produit alors que nous voyons nos membres, partout au Canada, concilier la politique et le financement du gouvernement fédéral avec les réalités opérationnelles de la prestation des soins qui relève des provinces. Il est parfois frustrant de voir les gouvernements et les prestataires de soins de santé, qui souhaitent tous, au bout de compte, une vie meilleure et plus saine pour les Canadiens, peiner à faire concorder le transfert de fonds fédéraux pour les soins de santé avec des résultats améliorés que les Canadiens peuvent constater au quotidien.
Il semble que le gouvernement fédéral envisage un modèle de financement basé sur des résultats – il a indiqué dans son budget 2022 que toute conversation avec les provinces et les territoires sur le Transfert canadien en matière de santé devra porter sur « la production de meilleurs résultats en matière de soins de santé pour les Canadiens ». Ce que nous ignorons, c’est quand et comment ces conversations se tiendront.
Ce que nous savons par contre, c’est que la conversation politique actuelle ne fonctionne pas et alors que nous nous efforçons de sortir de la pandémie, nos partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux doivent travailler ensemble pour réparer notre système de santé avec la même approche concertée qu’ils ont adoptée pour lutter contre la COVID-19.
-30-
(Renato Discenza est président et chef de la direction de HealthPRO, qui gère les contrats d’approvisionnement en fournitures et en médicaments au nom de plus de 1 300 hôpitaux et organisations de soins de santé membres à la grandeur du Canada. Paul-Émile Cloutier est président et chef de la direction de SoinsSantéCAN, le porte-parole national des organisations de santé et des hôpitaux de la grandeur du Canada.)