Par Paul-Émile Cloutier et Dr David Hill
Alors que les discussions sur les transferts en santé et l’avenir des soins de santé s’intensifient, une question toujours négligée est celle de la recherche en santé. Même si l’état d’urgence infligé par les déficiences du système de santé telles que la pénurie de professionnels de la santé et les longs délais d’attente encouragent souvent à éclipser l’importance de la recherche en santé, la réalité est que notre système de santé s’appuie sur la recherche en santé et ses continuelles découvertes de nouvelles approches et nouveaux traitements qui transforment la prestation des soins et améliorent les résultats de santé.
Augmenter l’investissement fédéral dans la recherche en santé est essentiel pour relever les défis en matière de soins de santé auxquels le Canada doit faire face aujourd’hui et à l’avenir.
La question des vaccins est devenue un sujet de politiques publiques prévalant aujourd’hui. Pourtant, malgré l’apparition de souches de grippe plus virulentes au cours de la dernière décennie, la recherche sur les vaccins n’était pas une priorité politique il n’y a pas si longtemps.
À l’heure actuelle, une part croissante du financement fédéral de la recherche en santé vise à combler les déficits de connaissances dans le cadre d’objectifs fédéraux précis ; on parle alors de science stratégique. Ces investissements sont importants, mais cette approche limite le financement disponible pour la science fondamentale, la recherche menée dans le but d’élargir la compréhension et les connaissances scientifiques établies.
La science fondamentale s’est avérée déterminante dans la réponse apportée au COVID-19, car des décennies de recherche fondamentale ont permis le développement rapide de diagnostics, de thérapies et de vaccins. Si le Canada veut innover pour relever les défis auxquels fait face notre système de santé, nous avons besoin d’un engagement renouvelé et à long terme dans la recherche fondamentale et stratégique, pour appuyer la lutte contre les maladies qui menacent le plus notre santé et mettre en place des soins de santé qui répondent mieux aux besoins des Canadiens.
Le Royaume Uni et les Etats-Unis investissent plus que le Canada dans la recherche en santé et envisagent l’avenir ayant clairement compris que la recherche peut contribuer à résoudre les problèmes sociaux urgents et qu’un manque de financement chronique peut avoir des effets néfastes sur l’innovation.
Le Royaume-Uni prévoit d’augmenter le financement total de la recherche et du développement de 1,7 % de son PIB en 2017 à 2,4 % d’ici 2027. L’investissement du Canada dans la recherche et le développement dans tous les secteurs oscille, depuis des années, autour de 1,6 % du PIB. Les États-Unis ont récemment annoncé une augmentation de 2,5 milliards de dollars américains pour le financement des National Institutes of Health (NIH), soit une augmentation de 5,3 %, pour un budget total de 47,5 milliards de dollars américains en 2023. En comparaison, le budget annuel des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) a augmenté d’un peu plus de 1 % en 2020-2021 pour atteindre environ 1,2 milliard de dollars, et aucune augmentation n’est à prévoir à l’avenir.
Tel est le sombre tableau de l’écosystème de la recherche au Canada.
La façon la plus simple et la plus efficace de remédier à ces manquements vis-à-vis de la recherche est que le gouvernement fédéral investisse davantage et de manière transformationnelle dans la recherche, en commençant par doubler les budgets des trois Conseils – les trois organismes fédéraux de financement de la recherche, dont les IRSC. Il est indéniable qu’augmenter le financement de la recherche en santé est d’une importance vitale et permettra au Canada d’exploiter le plein potentiel de son écosystème de recherche, qui est aujourd’hui un moteur économique national important dont le pays ne tire pas pleinement parti.
Tout surcroît d’investissement doit également inclure un financement assurant que la recherche soit mise en pratique aux premières lignes de soin. Cela encouragera les soins de santé à être plus innovants et améliorera la prestation des soins pour profiter à la fois aux patients et aux prestataires.
La mise en œuvre de pratiques exemplaires émanant de recherches solides et fondées sur des données probantes générera également de meilleurs résultats pour la santé et limitera les coûts globaux de notre système de santé au fil du temps. De plus, cela permettra au Canada de mieux commercialiser les innovations et les traitements en santé, d’attirer des talents et des investissements mondiaux et de retenir la génération de jeunes scientifiques actuellement en formation dans des établissements canadiens.
Comme pour la pandémie de COVID-19, le Canada doit identifier et mettre en œuvre de nouvelles approches pour faire face aux pressions exercées sur notre système de santé et notre société, notamment la pénurie de main-d’œuvre en santé, les crises de santé mentale et d’opioïdes actuelles, le vieillissement de la population et les changements climatiques. Des solutions à ces problèmes existent au travers de la recherche, mais elles nécessitent le soutien renforcé du gouvernement fédéral aux chercheurs et aux institutions qui mènent cet important travail.
Si nous voulons réussir à réparer les soins de santé, des investissements accrus dans l’écosystème de la recherche en santé du Canada doivent être un élément essentiel de la solution.
Paul-Émile Cloutier est président et chef de la direction de SoinsSantéCAN, la voix nationale des organisations de soins de santé et des hôpitaux du Canada.
Le Dr David Hill est vice-président, directeur de la recherche et directeur scientifique du Lawson Health Research Institute du St. Joseph’s Health Care & London Health Sciences Centre, professeur à l’Université Western, membre du conseil d’administration de SoinsSantéCAN et coprésident du Comité des vice-présidents de la recherche en santé de SoinsSantéCAN.