La première richesse, c’est la santé : Mémoire pour les consultations prébudgétaires en prévision du budget fédéral de 2021

RECOMMANDATIONS
  1. Que le gouvernement fédéral renforce son engagement de créer un système de santé stable et durable en augmentant les investissements jusqu’à un niveau équivalent à 2 % des dépenses publiques en santé (3,7 milliards $), répartis en parts égales entre la recherche en santé (1 %, ou 1,85 milliard $) et l’application des connaissances pour l’innovation en santé (1 %, ou 1,85 milliard $).
  2. Que le gouvernement fédéral investisse un minimum de 3 milliards $ pour renouveler les installations de soins de santé du Canada, y compris les hôpitaux, les installations de recherche, les organisations de soins de longue durée; qu’il accorde un financement particulier de 750 millions $ sur cinq ans pour établir des « Centres d’excellence » régionaux pour la cybersécurité en santé; et qu’il investisse un montant initial de 150 millions $ dans l’infrastructure de la santé numérique.
  3. Que le gouvernement fédéral reconnaisse que les hôpitaux de recherche, les instituts de recherche en santé et les organisations de la santé sont des entités indépendantes autonomes et des moteurs de la croissance économique qui méritent de concurrencer les autres secteurs directement et sur un pied d’égalité pour obtenir un soutien financier fédéral.
INTRODUCTION

SoinsSantéCAN félicite le gouvernement fédéral d’avoir investi dans des mesures visant à atténuer les effets négatifs de la COVID-19 sur les Canadiens. Nous saluons en particulier le Fonds d’urgence pour la continuité de la recherche au Canada (FUCR), l’investissement supplémentaire dans la recherche en santé et l’aide aux stagiaires et aux boursiers postdoctoraux qui ont apporté un soutien indispensable au secteur de la recherche en santé du Canada.

Alors que le gouvernement fédéral se concentre maintenant sur la relance de l’économie canadienne, SoinsSantéCAN, le porte-parole national des institutions de recherche, des organisations de soins de santé et des hôpitaux communautaires du Canada, tient à souligner que le secteur de la santé est un catalyseur essentiel de la reprise économique de notre pays. En apportant dès maintenant un soutien accru dans trois domaines clés – la recherche en santé, les infrastructures en santé et le renforcement du rôle que le secteur de la santé et des sciences de la vie peut jouer dans le plan de relance du gouvernement fédéral – le Canada exploitera tout le potentiel du secteur et de ses institutions.

Nous comptons tous sur la recherche en santé en temps de crise sanitaire, mais comme nation, nous continuons de la sous-financer. Nous nous appuyons sur les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et autres établissements de santé, mais nous n’investissons pas suffisamment pour les moderniser et nous assurer qu’ils sont en mesure de contrer les menaces pour la santé. Comme les provinces et territoires consacrent déjà près de 50 % de leur budget à la santé, il est clair que le gouvernement fédéral doit offrir un plus grand soutien aux soins de santé et à leurs institutions, y compris les hôpitaux, les instituts de recherche en santé, les installations de soins de longue durée et les organisations de santé, s’il veut répondre aux besoins évolutifs et croissants des Canadiens. Ce soutien est plus que jamais nécessaire, car les hôpitaux font face à des déficits budgétaires considérables en raison de la COVID-19.

La COVID-19 a nettement mis en évidence les sérieuses lacunes et les failles importantes des divers systèmes de santé publics des 13 provinces et territoires du Canada. Il est temps que le Canada soit doté d’un véritable système pancanadien apte à répondre aux besoins futurs de notre population.

La première richesse, c’est la santé.

RECOMMANDATIONS DÉTAILLÉES

DURABILITÉ DU SECTEUR DE LA SANTÉ ET DES SCIENCES DE LA VIE

« La science et la recherche sont notre porte vers un avenir meilleur, et cela n’a jamais été aussi évident. »
– Premier ministre Justin Trudeau

En plus de faire ressortir les lacunes du système de santé général du Canada, la COVID-19 a aussi révélé la précarité de l’entreprise de recherche en santé du Canada, une préoccupation déjà exprimée il y a trois ans dans le rapport de l’Examen du soutien fédéral aux sciences fondamentales. Le gouvernement fédéral doit de toute urgence élaborer une vision claire pour la recherche en santé, appuyée par un renforcement du financement et du cadre politique, pour s’assurer que les organisations universitaires de soins de santé du Canada sont prêtes à relever les défis actuels et ceux de l’avenir que nous ne connaissons pas encore.

Le gouvernement fédéral a créé les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) en 2000 dans l’objectif de les doter d’un budget correspondant à 1 % des dépenses publiques en santé. En 2019, ces dépenses s’élevaient à environ 185 milliards $ (le total des dépenses publiques et privées est de 264 milliards $), ce qui signifie que le budget des IRSC aurait dû être de quelque 1,85 milliard $. Or ce budget n’a pas suivi le rythme des dépenses en santé ou de l’inflation, car il est de 1,14 milliard $ pour l’exercice 2020-20211. Le gouvernement fédéral a bien fourni le financement nécessaire à la science et à la recherche prévu dans le budget de 2018, mais cet investissement n’a pas permis de couvrir le terrain perdu au cours de la dernière décennie ni d’atteindre le montant recommandé dans l’Examen du soutien fédéral aux sciences fondamentales. Le même argument vaut d’ailleurs pour les trois autres conseils.

La philanthropie et la collecte de fonds, une source vitale de financement qui couvre près de 40 % des coûts de recherche indirects de nos membres s’est pratiquement tarie en raison de la COVID-19. Le gouvernement fédéral doit renforcer son engagement pour assurer la stabilité, la capacité et la durabilité de nos centres universitaires de sciences de la santé et de l’ensemble du système de santé.

Recommandation : Que le gouvernement fédéral investisse dans la recherche en santé à un niveau correspondant à 1 % de la dépense publique en santé (1,85 milliard $).

Le gouvernement fédéral a également un rôle crucial à jouer pour s’assurer que les découvertes de pointe de propriété canadienne soient converties en produits et services à l’intention de la population canadienne, du système de soins de santé et du marché mondial. En investissant dès maintenant de manière à développer des secteurs à fort potentiel de croissance, comme la santé et les sciences de la vie, le gouvernement fédéral a l’occasion de récupérer ses investissements et de placer le Canada en bonne position de réussite post-pandémique.

Recommandation : Que le gouvernement fédéral investisse également dans l’application des connaissances pour l’innovation en santé à un niveau correspondant à 1 % de la dépense publique en santé (1,85 milliard $).

Dans une série d’articles, les Britanniques ont évalué les gains économiques tirés de la recherche biomédicale et sanitaire sur la santé et sur le PIB, pour trois maladies. Chaque livre sterling investie dans la recherche en santé a produit des bénéfices de 25 livres par année (10 livres en gains en santé et 15 livres en gains du PIB), ce qui correspond à un rendement total de 25 %2. C’est un rendement de beaucoup supérieur à celui que le gouvernement obtient d’autres investissements du secteur public.

Une approche équilibrée et stratégique à l’investissement dans l’application des découvertes, de l’innovation et des connaissances en santé crée de la richesse et génère des rendements qui excèdent grandement les investissements individuels initiaux.

INFRASTRUCTURES EN SANTÉ

En plus de stimuler l’économie rapidement, l’investissement dans les infrastructures génère des rendements à moyen et à long terme. Pour chaque dollar investi, l’économie croît de 1,60 $ (un coefficient de multiplication de 1,6)3. À long terme, les infrastructures génèrent une productivité économique de 20 à 50 cents pour chaque dollar investi4.

Bien que la dépense globale en santé continue d’augmenter, les fonds d’immobilisations pour la santé ont diminué considérablement. Entre 2007 et 2012, l’investissement en capital a augmenté de 6,3 %, avant de chuter à -3,7%5 entre 2012 et 2017. Ce déclin précipité des dépenses d’investissement fait en sorte que le Canada est désormais à la traîne des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la France et de l’Allemagne6. Il a aussi comme conséquence qu’une grande partie de l’infrastructure hospitalière actuelle du Canada a dépassé sa durée de vie utile avec des installations qui ne sont pas résilientes face au climat ou à la pandémie et qui ne sont pas écoénergétiques.

Les hôpitaux sont les installations publiques les plus énergivores au Canada. Ils consomment environ 11 % de toute l’énergie publique et sont responsables de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Le défaut du Canada de maintenir des investissements adéquats dans les installations de soins de santé nuit à notre environnement et compromet sérieusement notre capacité à maintenir un système de soins de santé innovant et technologiquement avancé. La pandémie de COVID-19 a montré brutalement que les infrastructures en santé désuètes du Canada mettent la santé des Canadiens en danger. La situation est particulièrement flagrante dans le secteur des soins de longue durée qui compte de nombreux établissements dans lesquels il est pratiquement impossible de se conformer aux protocoles de distanciation physique et d’isolement.

L’investissement dans les infrastructures en santé, y compris dans les laboratoires et les installations de recherche dans les hôpitaux et dans les établissements de soins de longue durée est une priorité pour l’édification de la nation. Il permettra de renforcer les capacités en matière de prestation de soins centrés sur le patient, d’améliorer le contrôle des infections (chambres individuelles, chambres d’isolement, ventilation adéquate), de remédier à l’engorgement, d’augmenter la capacité de pointe et d’améliorer la qualité des soins.

Comme ce fut le cas entre les années 1948 et 1970, alors que le Programme fédéral de subvention pour la construction d’hôpitaux et la Caisse d’aide à la santé de 1966 ont fourni le soutien fédéral essentiel pour bâtir l’infrastructure hospitalière actuelle du Canada, nous sommes aujourd’hui confrontés à un impératif national semblable pour renforcer notre infrastructure de soins de santé. Les établissements de santé du Canada sont prêts à agir; un sondage réalisé en juillet 2020 auprès des membres de SoinsSantéCAN a révélé que des projets d’infrastructure totalisant 4,6 milliards $ sont en suspens, dont 3,2 milliards $ correspondent à des projets liés à la COVID qui sont « prêts à démarrer ». Ce qui manque, c’est le soutien fédéral : un montant de 3 milliards $ en sus de ce qui a été alloué en vertu du volet COVID du programme Investir au Canada.

La cybersécurité et la protection des infrastructures essentielles de santé numérique sont également un domaine important qui requiert l’attention du gouvernement fédéral.

SoinsSantéCAN est fier de participer à un projet pilote actuellement en cours à Eastern Health (Terre-Neuve-et-Labrador) qui s’attaque aux menaces de cybersécurité pour le système de soins de santé en intégrant l’éducation et le développement des compétences ainsi que l’innovation dans les technologies médicales. Avec un investissement fédéral de 750 millions $ sur cinq ans, ce projet pilote pourrait étendre sa portée pour créer 15 « Centres d’excellence» régionaux à la grandeur du pays, ce qui renforcerait considérablement la cybersécurité dans les soins de santé.

La pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation bienvenue de l’utilisation des outils de soins virtuels, tout en soulignant le besoin d’une infrastructure nationale de santé numérique avec plateformes de données interopérables. L’amélioration des services de santé mentale en ligne est particulièrement importante dans notre réalité de COVID-19 qui évolue rapidement, car le système actuel est incapable de répondre aux besoins actuels en raison d’un sous-financement et d’un manque de personnel. Pour contrer les impacts de la COVID-19 et se préparer à de futures menaces sanitaires, le gouvernement fédéral doit faire des plateformes de données en santé une priorité nationale en y accordant un investissement initial de 150 millions $.

En plus de favoriser la santé des Canadiens, les investissements dans les infrastructures en santé stimulent l’économie du fait qu’ils :

  • CRÉENT DES EMPLOIS (un investissement de 100 milliards $ dans les infrastructures crée un million d’emplois7)
  • STIMULENT LES ÉCONOMIES LOCALES, PROVINCIALES ET TERRITORIALES
  • FONT CROÎTRE NOTRE PIB
  • AMÉLIORENT L’EFFICACITÉ ET RÉDUISENT LES COÛTS (attribuables à la propagation des agents pathogènes nosocomiaux ou des infections acquises dans la collectivité)
  • PERMETTENT DE CONSTRUIRE DES INSTALLATIONS PLUS PROPRES, PLUS VERTES ET PLUS EFFICACES (ce qui réduit l’empreinte carbone du Canada)
  • CATALYSENT L’INNOVATION DANS LA PRESTATION DES SOINS DE SANTÉ
  • ATTIRENT LES TALENTS EN RECHERCHE ET EN SOINS AUX PATIENTS

Recommandation : Que le gouvernement fédéral investisse un minimum de 3 milliards $ pour renouveler les installations de soins de santé du Canada, y compris les hôpitaux, les installations de recherche, les organisations de soins de longue durée; qu’il accorde un financement particulier de 750 millions $ sur cinq ans pour établir des «Centres d’excellence » régionaux pour la cybersécurité en santé; et qu’il investisse un montant initial de 150 millions $ dans l’infrastructure de la santé numérique.

OFFRIR UN SIÈGE À LA SANTÉ

Dans son rapport Libérer le potentiel de croissance des secteurs clés publié en 2017, le Conseil consultatif en matière de croissance économique a déterminé que le secteur de la santé et des sciences de la vie du Canada avait un potentiel de croissance prometteur. Toutefois, les hôpitaux de recherche, les instituts de recherche et les organisations de santé peinent à réaliser ce potentiel, car il leur est interdit d’accéder directement aux programmes de financement fédéraux.

Les demandes de financement auprès du gouvernement fédéral sont transmises par l’industrie ou les universités. Les demandes de financement auprès de l’Initiative des supergrappes d’innovation et du Fonds stratégique pour l’innovation, à l’exception du volet 4, n’ont pu être transmises que par l’industrie. La table sectorielle de stratégies économiques – les sciences biologiques et la santé (TSSÉ SBS) est composée de représentants d’entreprises. Les hôpitaux de recherche doivent passer par l’université pour avoir accès au Fonds d’investissement stratégique pour les établissements postsecondaires, à la Fondation canadienne pour l’innovation, au Fonds de soutien à la recherche du gouvernement fédéral, au Programme des chaires de recherche du Canada et à Mitacs.

Le secteur de la santé et des sciences de la vie du Canada est un important moteur de la croissance économique. Non seulement il innove pour améliorer la santé et la productivité de notre population, mais il contribue à l’économie à hauteur de près de 3 milliards $ par année8. Le secteur de la santé et des biosciences représente 11 % du PIB annuel du Canada. Les établissements de soins de santé du Canada emploient 700 000 personnes, de 8 000 à 10 000 scientifiques et 60 000 chercheurs et étudiants. Cette main-d’oeuvre fournit le talent brut à l’industrie biotechnologique du Canada de 7,8 milliards $ qui procure un avantage économique pour le Canada. Nous créons de nouvelles petites et moyennes entreprises, nous produisons la prochaine génération de personnel hautement qualifié et nous contribuons à l’édification d’une économie du savoir qui attire des investissements mondiaux.

En tant que force économique clé, les centres universitaires de sciences de la santé méritent un siège à la table du gouvernement. Les hôpitaux de recherche, qui contribuent grandement à l’effort du Canada en matière de santé et de biosciences, ne sont pas représentés au sein de la TSSÉ-SBS ni au Conseil sur la stratégie industrielle. Cette omission importante nuit à notre écosystème de recherche en sciences de la vie et en santé. Le gouvernement doit élargir la composition de la TSSÉ-SBS pour y inclure les dirigeants des hôpitaux de recherche ou bien créer une table consultative distincte.

Le gouvernement fédéral devrait saisir l’occasion de créer un écosystème de recherche et d’innovation plus explicitement inclusif, qui intègre les hôpitaux de recherche aux côtés de l’industrie et des universités et qui récompense l’excellence, où qu’elle soit.

Recommandation : Que le gouvernement fédéral reconnaisse que les hôpitaux de recherche, les instituts de recherche en santé et les organisations de la santé sont des entités indépendantes autonomes et des moteurs de la croissance économique qui méritent de concurrencer les autres secteurs directement et sur un pied d’égalité pour obtenir un soutien financier fédéral.

RÉFÉRENCES
  1. Plan ministériel des IRSC 2019-2020
  2. Bang for your buck: the return from public investments in biomedical and health research
  3. Favoriser la productivité par l’entremise de l’infrastructure
  4. Ibid.
  5. Ensuring adequate capital investment in Canadian health care
  6. Ibid.
  7. The Future is Now: Infrastructure’s Role in Economic Recovery
  8. Canada’s Top 40 Research Hospitals 2019

PRÉSENTÉ

le 7 août 2020

POUR PLUS D’INFORMATIONS

Bianca Carlone
Analyste des relations gouvernementales et des politiques
bcarlone@healthcarecan.ca

Jonathan Mitchell
Vice-président, Recherche et politiques
jmitchell@healthcarecan.ca

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