Recommandations de SoinsSantéCAN en vue des consultations prébudgétaires 2023 de Finances Canada

RECOMMANDATIONS
  1. Doubler le financement actuel aux trois Conseils subventionnaires et s’engager à l’augmenter annuellement pour suivre le rythme de l’inflation et des références mondiales afin d’assurer un financement durable de la recherche.
  2. Centraliser les données de recherche en santé et faciliter la recherche et l’innovation en santé dans l’ensemble des établissements et des administrations, notamment en créant un dépôt pancanadien où stocker les données de recherche en santé et une plateforme d’essais cliniques.
  3. Augmenter les transferts fédéraux en matière de santé aux provinces et territoires afin d’assurer un financement constant et durable des soins de santé qui tient compte des nouveaux besoins et qui augmente au même rythme que les coûts et la demande.
  4. Augmenter les investissements en capitaux dans les soins de santé à un minimum de 0,6 pour cent du PIB (environ 12,8 milliards $) pour mieux aligner le Canada sur ses homologues au sein de l’OCDE.
  5. Mettre en œuvre une stratégie pancanadienne de planification de la main-d’œuvre en santé pour recueillir des données sur la main-d’œuvre, élaborer des solutions permettant de remédier aux pénuries de personnel et s’attaquer aux facteurs qui nuisent au recrutement et à la rétention.
  6. Créer un programme ou une plateforme pour mettre les travailleurs de la santé formés à l’étranger en contact avec les organisations de soins de santé qui cherchent à pourvoir des postes.
  7. Élaborer une approche pancanadienne pour favoriser un meilleur vieillissement et améliorer la santé et les services sociaux destinés aux personnes âgées en s’appuyant sur des investissements substantiels pour répondre aux besoins actuels et futurs de la population vieillissante du Canada.
  8. Introduire une législation sur la parité en santé mentale qui garantit à toute personne au Canada un accès en temps opportun à des soins de qualité et inclusifs en matière de santé mentale et de traitement de la toxicomanie et qui établit un financement approprié, durable et à long terme pour les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie à la grandeur du Canada.
INTRODUCTION

SoinsSantéCAN est le porte-parole national des hôpitaux, des instituts de recherche en santé et des organisations de soins de santé du Canada. Il plaide en faveur de la recherche et de l’innovation en santé, ainsi que de soins de santé de grande qualité pour toute la population canadienne. Nous nous réjouissons de cette possibilité de présenter notre mémoire en vue des consultations prébudgétaires 2023 de Finances Canada.

La crise actuelle des soins de santé du Canada n’est rien de moins qu’une urgence nationale qui requiert une action urgente et immédiate de tous les ordres de gouvernement. Le budget de 2023 est une occasion cruciale pour le gouvernement fédéral de démontrer son engagement à renforcer les soins de santé et la recherche en santé au Canada, des questions que les gens de tout le pays continuent de considérer comme étant des priorités essentielles. À défaut d’initiatives et d’investissements stratégiques de la part du gouvernement fédéral pour soutenir la modernisation du système de santé, nous assisterons à l’effondrement de celui-ci.

Le système de santé canadien a été conçu pour une époque différente et il doit évoluer pour répondre aux besoins changeants. La prestation des soins en milieu hospitalier et médical est encore essentielle, mais d’autres types de soins ou de prestation de soins sont nécessaires pour favoriser une vie saine. Le système de santé doit être davantage centré sur les personnes, plus intégré et soutenir les différents modes d’accès aux soins que désirent les gens, y compris les soins à domicile et les soins virtuels. Les soins de santé doivent être fournis d’une manière qui soit culturellement sûre, exempte de racisme et de discrimination, et inclusive pour tous.

Il est essentiel que le gouvernement fédéral agisse immédiatement et s’engage fermement dans le budget de 2023 pour contribuer à garantir à toute la population canadienne l’accès aux soins de santé dont elle a besoin, au moment où elle en a besoin.

RECOMMANDATIONS DÉTAILLÉES POUR TRANSFORMER LE SYSTÈME DE SANTÉ

1. Doubler le financement actuel aux trois Conseils subventionnaires et s’engager à l’augmenter annuellement pour suivre le rythme de l’inflation et des références mondiales afin d’assurer un financement durable de la recherche.

La recherche et l’innovation sont des facteurs contributifs aux résultats en santé et à la transformation du système de santé en plus de jouer un rôle crucial pour aider le Canada à relever les défis de la médecine et du système de santé que la pandémie a créés ou exacerbés, y compris les pénuries de personnel en santé et d’autres problèmes mis en évidence dans le présent mémoire. La recherche et l’innovation en santé sont également vitales pour résoudre certains de nos problèmes sociaux les plus pressants comme le changement climatique.

Pourtant, malgré le niveau d’importance de ces questions, l’investissement du Canada dans son secteur de la recherche continue d’être en retrait par rapport à celui d’autres pays de l’OCDE, ce qui a pour effet d’accroître l’écart avec les pays pairs.

Investissement en recherche : Comment le Canada se compare sur la scène internationale (% du PIB, 2020)

ResearchpercentageofGDP_2020_FR-01

Source : CAUT

% de la dépense totale en santé alloué à la recherche : Comment le Canada se compare sur la scène internationale (2020)

Researchpercentageofhealthspending_2020_FR-01

Sources : CIHI, AIHW (Fig. 11), AMA.

Fait particulièrement inquiétant pour les chercheurs en santé, le budget de 2022 était le deuxième budget fédéral seulement à ne prévoir aucune hausse annuelle du budget des IRSC depuis la création de l’organisme en 2000. Le budget de 2018 comprenait un investissement fédéral bien accueilli dans les sciences, mais ce financement de la recherche sur cinq ans prend fin en 2023 et comme le taux d’inflation est actuellement élevé, l’écosystème de la recherche du Canada est en péril. La recherche se resserre dans les hôpitaux de recherche et les universités, ce qui place le Canada encore plus loin derrière ses pairs mondiaux. Le Canada risque fort de perdre ses meilleurs talents en recherche, ses chercheurs en début de carrière tout autant que ses chercheurs chevronnés, qui emporteront avec eux leurs idées et leurs découvertes dans d’autres pays. Nous ne pouvons pas commercialiser ce que nous ne créons pas.

Le retard actuel du Canada en matière d’investissement fait en sorte qu’un trop grand nombre de chercheurs se battent pour trop peu de fonds. Lors du concours de subventions Projet du printemps 2022 des IRSC, seuls 19 % des candidatures ont été retenues. Le taux des candidatures retenues par le National Institute of Health Research du Royaume-Uni s’est établi à 35 % en 2021-22. Si cette tendance se maintient, l’exode des cerveaux s’intensifiera, ce qui aura des répercussions négatives sur la santé et l’économie du Canada.

Le Canada doit augmenter radicalement ses investissements dans la recherche par l’entremise des trois Conseils subventionnaires afin de demeurer concurrentiel à l’échelle mondiale, d’attirer et de retenir les meilleurs talents à tous les niveaux de carrière et de réaliser le plein potentiel des avantages innovants et économiques de la recherche en santé. Il est important que les hôpitaux et les instituts de recherche aient un accès direct et égal à ce financement.

2. Centraliser les données de recherche en santé et faciliter la recherche et l’innovation en santé dans l’ensemble des établissements et des administrations, notamment en créant un dépôt pancanadien où stocker les données de recherche en santé et une plateforme d’essais cliniques.

Les réseaux entre les chercheurs en santé du Canada sont bien établis, mais ils ne peuvent toujours pas exploiter le plein potentiel innovateur et économique de la recherche en santé. Actuellement, les chercheurs ne disposent pas des outils nécessaires pour communiquer efficacement et partager des données entre les établissements et les juridictions. Le Comité permanent de la science et de la recherche, la Table de stratégies économiques du Canada : Santé et des sciences biologiques et le Groupe consultatif d’experts de la stratégie pancanadienne de données sur la santé de l’ASPC ont tous souligné qu’il s’agissait d’un problème nécessitant une action.

La création d’un dépôt pancanadien de données et d’une plateforme d’essais cliniques pour permettre l’interopérabilité entre les institutions et les juridictions enrichira la qualité et la disponibilité des données, renforcera l’entreprise de recherche du Canada et favorisera les partenariats et la collaboration nécessaire pour stimuler l’innovation.

3. Augmenter les transferts fédéraux en matière de santé aux provinces et territoires afin d’assurer un financement constant et durable des soins de santé qui tient compte des nouveaux besoins et qui augmente au même rythme que les coûts et la demande.

Le financement ne permettra pas à lui seul de résoudre les nombreux problèmes qui touchent notre système de santé, mais il ne fait aucun doute qu’il faut augmenter le financement pour faire face à l’augmentation des coûts et des pressions sur le système. Le budget de 2023 doit prévoir un financement accru, constant et durable de la santé pour les provinces et les territoires de manière à ce qu’ils puissent renforcer et élargir l’accès aux services de soins de santé et faire face aux répercussions de la pandémie. En plus de l’augmentation du financement, il est essentiel d’établir des objectifs transparents d’amélioration des résultats en santé afin de créer une reddition de comptes envers la population canadienne.

4. Augmenter les investissements en capitaux dans les soins de santé à un minimum de 0,6 pour cent du PIB (environ 12,8 milliards $) pour mieux aligner le Canada sur ses homologues au sein de l’OCDE.

Au cours des 20 dernières années, les investissements en capitaux dans les infrastructures de la santé ont fluctué et ont affiché une baisse notable au cours des dernières années. Contrairement à la tendance observée dans les pays de l’OCDE où les investissements en capitaux ont augmenté depuis 2010, les investissements du Canada ont diminué de 14 % en termes réels en 2019 par rapport à 2010.

La pandémie a démontré clairement que les infrastructures de santé désuètes du Canada, tant sur le plan des installations matérielles que sur le plan des capacités technologiques au sein du système, posent des risques pour la santé des gens. L’amélioration de l’accès aux services et des résultats pour les patients exige des infrastructures modernes.

5. Mettre en œuvre une stratégie pancanadienne de planification de la main-d’œuvre en santé pour recueillir des données sur la main-d’œuvre, élaborer des solutions permettant de remédier aux pénuries de personnel et s’attaquer aux facteurs qui nuisent au recrutement et à la rétention.

Le Canada accuse un retard parmi ses pairs de l’OCDE en ce qui concerne la collecte, les infrastructures et l’analyse des données sur la main-d’œuvre en santé. Bien des pays planifient la main-d’œuvre en santé au niveau national et ont créé des organismes chargés de recueillir et d’analyser les données sur la main-d’œuvre en santé, de mener des recherches, de prévoir les besoins du système de santé et de contribuer à l’élaboration de politiques visant à renforcer la main-d’œuvre en santé et le système de santé.

Le défaut du Canada de planifier la main-d’œuvre en santé mine notre capacité de disposer de la bonne combinaison et de la bonne répartition des travailleurs de la santé. Cette situation a des incidences sur les soins aux patients, en plus d’entraîner de piètres conditions de travail, de perpétuer les inégalités dans le système de santé et d’avoir des conséquences économiques pour le Canada, y compris pour les provinces et les territoires qui se font la concurrence pour attirer et retenir les talents.

La mise en œuvre d’une stratégie pancanadienne de planification de la main-d’œuvre en santé, de concert avec la création d’une organisation chargée de superviser ce travail, permettra au Canada de mieux comprendre la main-d’œuvre actuelle, ce qui contribuera à orienter l’élaboration et la mise en œuvre de solutions pour résoudre les problèmes en ce domaine. Une telle stratégie donnera un meilleur aperçu des besoins futurs et des stratégies qui permettront au Canada de disposer de la main-d’œuvre en santé nécessaire pour répondre à la demande future. Pour assurer le bon fonctionnement du système de santé et la prestation de soins de grande qualité, il est essentiel de pouvoir compter sur un système de santé bien doté en personnel, au sein duquel les travailleurs se sentent mentalement et physiquement bien.

6. Créer un programme ou une plateforme pour mettre les travailleurs de la santé formés à l’étranger en contact avec les organisations de soins de santé qui cherchent à pourvoir des postes.

Bien des organisations de la santé souhaitent recruter des travailleurs de la santé formés à l’étranger pour répondre aux besoins immédiats en personnel de santé, mais ils ont du mal à franchir les étapes du processus et à surmonter les obstacles systémiques. L’évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT), ainsi que le processus de reconnaissance des diplômes étrangers et le temps et les coûts connexes, sont tous des défis importants qui entravent le recrutement international.

Pour remédier aux pénuries de personnel en santé à court terme, il faudrait rationaliser le processus d’immigration et développer des solutions permettant de tirer parti des compétences des travailleurs qualifiés. Par exemple, un mécanisme mettant en relation les nouveaux arrivants et les employeurs du secteur de la santé qui cherchent à pourvoir des postes vacants serait très utile. Bien des organisations de soins de santé disposent de ressources pour aider les personnes à s’orienter dans le processus d’établissement et d’agrément, mais elles doivent d’abord être au courant que ces personnes sont dans le pays et qu’elles sont disponibles pour occuper des postes.

7. Élaborer une approche pancanadienne pour favoriser un meilleur vieillissement et améliorer la santé et les services sociaux destinés aux personnes âgées en s’appuyant sur des investissements substantiels pour répondre aux besoins actuels et futurs de la population vieillissante du Canada.

Les personnes âgées recherchent de plus en plus des services qui leur permettent de mener une vie plus autonome, plus active et plus digne, notamment en vivant chez elles et dans leur communauté avec de l’aide aussi longtemps qu’elles le souhaitent et qu’elles en sont capables. Le besoin d’adopter une approche pancanadienne pour soutenir les meilleures pratiques visant à améliorer les services sociaux et de santé destinés aux personnes âgées est de plus en plus pressant.

Le Canada ne parvient plus à répondre à la demande pour assurer la fourniture des soins de longue durée et des soins à domicile, ainsi que des services sociaux nécessaires pour soutenir le vieillissement sur place. Il faut corriger la situation et mettre fin aux décennies de manque de ressources, ainsi que de surveillance gouvernementale et de responsabilité limitées envers les patients, les résidents, les familles, les proches aidants et le personnel des soins. Avec une population croissante et vieillissante, le Canada a besoin de toute urgence d’une approche pancanadienne qui favorise un meilleur vieillissement et de meilleurs soins aux personnes âgées à la grandeur du pays. Une telle approche doit intégrer des principes visant à favoriser un meilleur vieillissement dans tous les aspects de la société, qu’il s’agisse d’élargir les services de soins offerts à domicile et dans la communauté, de bâtir des communautés qui permettent aux gens de mieux vieillir sur place ou de s’assurer que les soutiens sociaux répondent aux besoins des personnes âgées et des proches aidants.

8. Introduire une législation sur la parité en santé mentale qui garantit à toute personne au Canada un accès en temps opportun à des soins de qualité et inclusifs en matière de santé mentale et de traitement de la toxicomanie et qui établit un financement approprié, durable et à long terme pour les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie à la grandeur du Canada.

La pandémie a contribué au déclin de la santé mentale chez des personnes de tous âges, ce qui rend plus évidente la nécessité d’améliorer les services et de reconnaître officiellement que la santé mentale est aussi importante que la santé physique. Il est temps que le Canada inscrive dans la loi la prestation en temps opportun de soins de santé mentale et de traitement de la toxicomanie de qualité et inclusifs dans tout le pays. Une telle loi garantirait qu’un large éventail de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie financés par des fonds publics soient disponibles équitablement pour tous, allant au-delà de la disponibilité limitée actuelle de ces services subventionnés par des fonds publics dans les hôpitaux et chez les médecins. Les 4,5 milliards $ promis par le parti libéral dans sa plateforme électorale de 2021 devraient servir à l’atteinte de cet objectif et être décrits dans le budget de 2023.