Mémoire présenté au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires en vue du budget fédéral de 2025

RECOMMANDATIONS

  1. Mettre en œuvre une vision ambitieuse pour la recherche et l’innovation en santé au Canada, soutenue par un financement accru, qui favorise un solide écosystème de la recherche et mène à une amélioration des résultats en santé et à l’innovation pour la population de tout le Canada.
  2. Mettre en œuvre un plan pancanadien pour la main-d’œuvre en santé, en collaboration avec les parties prenantes, afin que le Canada dispose de la main-d’œuvre en santé dont il a besoin aujourd’hui et dans le futur.
  3. Créer un fonds de modernisation des infrastructures des soins de santé de 5 milliards de dollars, sur trois ans, auquel les organisations de soins de santé ont un accès direct, afin qu’elles puissent procéder aux travaux d’entretien, d’amélioration et de nouvelles constructions retardés, dans le but doter la population de tout le Canada d’un système de santé moderne, équitable et résilient au climat.
  4. Officialiser une « approche qui intègre la santé dans toutes les politiques », afin d’améliorer les résultats en santé et les services à la population de tout le Canada.

INTRODUCTION

SoinsSantéCAN est le porte-parole national des instituts de recherche en santé, des hôpitaux, des autorités sanitaires et des organisations de soins de santé du Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et de services de santé de grande qualité pour la population de l’ensemble du Canada. Nous nous réjouissons de l’occasion qui nous est donnée de présenter le présent mémoire au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires en vue du budget fédéral de 2025.

En tant que porte-parole des organisations de soins de santé de tout le Canada, SoinsSantéCAN est très consciente des défis permanents auxquels sont confrontés les citoyens du Canada et les travailleurs du système de santé concernant l’accès aux soins et leur prestation. Le budget de 2025 doit comprendre des mesures et des investissements ciblés pour améliorer l’accessibilité et la prestation de soins de qualité pour tous et soutenir la main-d’œuvre en santé du Canada.

RECOMMANDATIONS DÉTAILLÉES

1. Mettre en œuvre une vision ambitieuse pour la recherche et l’innovation en santé au Canada.

Dans le budget fédéral de 2024, en réponse aux recommandations du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, le gouvernement a pris plusieurs engagements visant à renforcer la recherche et l’innovation au Canada, notamment en ce qui concerne la création d’une nouvelle organisation-cadre de financement de la recherche et d’un conseil consultatif sur les sciences et l’innovation.

Ces initiatives sont bien accueillies et elles doivent être mises en œuvre rapidement. Toutefois, la réussite de cette réorganisation du système fédéral de la recherche repose essentiellement sur une vision stratégique à long terme pour la recherche et l’innovation en santé et pour la recherche et l’innovation dans un sens plus large au Canada.

Le Canada a les atouts nécessaires pour être un leader mondial de la recherche et de l’innovation en santé. Pour y parvenir, il faut toutefois que tous les aspects de l’écosystème canadien de la recherche en santé collaborent à l’atteinte des mêmes objectifs. Les pairs internationaux du Canada l’ont bien compris et ont défini leurs aspirations, établi la voie à suivre pour les réaliser et engagé des milliards de dollars à cette fin. Il est grand temps que le Canada fasse de même.

SoinsSantéCAN demande au gouvernement fédéral d’élaborer une vision ambitieuse pour la recherche et l’innovation en santé au Canada, soutenue par un financement accru, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les peuples autochtones, les organisations de soins de santé et de recherche en santé, les patients, les soignants, le milieu universitaire et le secteur privé, entre autres partenaires.

Cette vision doit comprendre des investissements stratégiques, une collaboration interdisciplinaire et des partenariats solides pour révolutionner les résultats en santé; améliorer la prestation des soins de santé et aider les travailleurs de la santé à cette fin; habiliter un personnel de recherche diversifié et durable; et accélérer l’application de la recherche en traitements et en solutions efficaces. Avec une vision cohérente et partagée, le Canada peut définir un paysage de la recherche qui relève les défis immédiats pour offrir les meilleurs soins de santé innovants à la population canadienne tout en propulsant l’innovation sur la scène mondiale pour le bénéfice économique et social du pays.

Dans un récent sondage, 87 % des répondants sont d’avis que le Canada devrait être un chef de file mondial en matière de recherche médicale et en santé, 89 % ont déclaré que la recherche médicale et en santé apporte une contribution importante au système de soins de santé, et 80 % ont affirmé que les contributions de la recherche médicale et en santé sont importantes pour l’économie.  

2. Aller de l’avant avec la planification des besoins de main-d’œuvre en santé du Canada.

Un système de santé bien doté en personnel qui priorise la santé mentale et physique des travailleurs de la santé est crucial pour assurer le bon fonctionnement du système de santé et la prestation de soins de grande qualité.

Dans le budget de 2023, le gouvernement s’est engagé à créer un Centre d’excellence pour recueillir des données sur le personnel de la santé. Cette organisation, appelée Effectif en santé Canada, est maintenant opérationnelle et œuvre à la collecte de données sur les travailleurs de la santé du Canada. Malgré l’excellent travail de cette organisation jusqu’à maintenant, il faut faire davantage, et plus rapidement, pour accélérer l’élaboration d’un plan pancanadien sur la main-d’œuvre en santé afin que le Canada puisse disposer de l’effectif en santé dont il a besoin maintenant et dans le futur.

La planification de l’effectif de la santé pose des défis constants pour le Canada, ce qui nuit à sa capacité de s’assurer de la bonne combinaison et de la bonne distribution de l’effectif en santé, en plus d’entraîner une sous-utilisation des compétences des professionnels de la santé formés à l’étranger (PSFE) qui vivent au Canada. Un rapport de 2023 de Statistique Canada a révélé que près de 260 000 PSFE d’un même groupe d’âge vivent au Canada et que seulement 58 pour cent d’entre eux exercent une profession dans les soins de santé, dont la plupart dans des domaines autres que ceux dans lesquels ils ont été formés.

Le manque de planification de la main-d’œuvre en santé entraîne de piètres conditions de travail, a des répercussions négatives sur les soins aux patients, perpétue les inégalités actuelles dans le système de santé, en plus d’avoir des ramifications économiques, notamment sur le plan de la concurrence que se livrent les provinces et les territoires pour attirer le talent. Les répercussions de l’absence d’une planification coordonnée des ressources humaines en santé sont particulièrement marquées dans les soins aux enfants et aux jeunes, les soins en santé mentale et en toxicomanie et les soins aux personnes âgées.

SoinsSantéCAN recommande au gouvernement fédéral de faire des investissements ciblés pour élaborer un plan pancanadien sur la main-d’œuvre en santé, ce qui permettra à Effectif en santé Canada d’accélérer ses efforts et de collaborer avec les provinces, les territoires et les autres partenaires afin de mettre en œuvre un plan pancanadien sur la main-d’œuvre en santé le plus tôt possible.

La mise en oeuvre d’un plan pancanadien sur la main-d’œuvre en santé qui comprend des éléments comme les modèles de soins basés sur l’équipe et l’utilisation de la technologie et de l’IA permettra au Canada de mieux comprendre les besoins en main-d’œuvre et les solutions nécessaires pour relever les défis de la main-d’œuvre en santé.

3. Moderniser les infrastructures des soins de santé.

Les installations de soins de santé du Canada sont parmi les plus vieilles infrastructures publiques en service aujourd’hui. Environ 48 pour cent d’entre elles au Canada et 70 pour cent dans les villes ont été construites il y a plus de 50 ans. Au cours des 20 dernières années, l’investissement en capital canadien dans les infrastructures de la santé a fluctué et a connu une baisse marquée ces dernières années, malgré une hausse constante des dépenses globales en soins de santé au cours de la même période.


Dépenses annuelles en capital consacrées à la santé et l’action sociale en pourcentage du produit intérieur brut, moyenne sur 2017-21 (ou année la plus proche) par type d’actif

Source : Panorama de la santé 2023, Indicateurs de l’OCDE (p. 173, fig. 7.21).


Par conséquent, les organisations de soins de santé de tout le pays sont confrontées à un retard considérable d’entretien différé et de projets d’infrastructures. Une étude de 2015 a déterminé que le coût des travaux d’entretien différés s’établissait à un montant stupéfiant de 15,4 à 28 milliards de dollars dans le secteur des soins de santé. Il ne fait aucun doute que ce montant a augmenté depuis lors, ce qui souligne l’urgent besoin de remédier immédiatement à cette situation.

Le défaut du Canada de maintenir un investissement en capital adéquat dans ses installations de soins de santé compromet gravement la capacité du système de santé à offrir des soins de grande qualité, sécuritaires et innovants aux patients. La modernisation des infrastructures en santé du Canada permettrait de relever de nombreux défis auxquels sont confrontés le système de santé, les travailleurs de la santé et les patients dans la prestation et la recherche de soins. L’intégration d’une meilleure conception et d’une technologie moderne permettrait une prestation des soins et un partage de l’information plus sécuritaires, plus efficaces et rationalisés et contribuerait à remédier aux pénuries de personnel en libérant des professionnels de la santé pour qu’ils puissent offrir davantage de soins directs de grande qualité. Cette intégration permettrait également d’offrir des soins plus homogènes aux personnes en quête de soins et leur donnerait un accès plus facile aux soins dans le milieu de leur choix, notamment à domicile, dans la communauté et virtuellement, ce qui se traduirait par une amélioration des expériences de soins mieux intégrés dans leurs vies.

Les investissements publics dans des technologies innovantes sont importants pour les Canadiens : 85 pour cent croient qu’il est important de s’assurer que le Canada adopte les nouvelles technologies de santé pour ne pas prendre du retard sur les autres pays et 83 pour cent disent qu’il faut s’assurer que le réseau de la santé utilise des technologies numériques de pointe et ne prend pas de retard sur les autres secteurs.

La désuétude des infrastructures de santé a également des incidences sur l’environnement. Les installations de soins de santé sont parmi les installations les plus énergivores du Canada. Elles consomment environ 11 pour cent de l’énergie publique totale, et sont responsables d’environ 5 pour cent des gaz à effet de serre, en plus d’émettre plus de 200 000 tonnes d’autres polluants. Le système de santé du Canada est parmi les moins verts au monde et se classe parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre par habitant – et ses émissions continuent d’augmenter. L’investissement dans les infrastructures de santé contribuera à la création d’un système de santé plus durable, ce qui est plus important que jamais alors que les impacts du changement climatique se font de plus sentir auprès de la population de tout le Canada.

L’incapacité des organisations de soins de santé à accéder directement au financement fédéral des infrastructures est un obstacle majeur à la modernisation des infrastructures de santé et de recherche. Ces organisations dépendent du financement fédéral accordé aux provinces et territoires et, parfois ensuite, aux municipalités, pour l’amélioration des infrastructures de santé. Cette approche s’est avérée peu fiable, car nombre de ces gouvernements comptent sur les budgets de santé pour couvrir ces projets, ce qui est irréalisable compte tenu des niveaux de financements actuels et de la demande qui pèse sur le système. Comme il le fait dans d’autres domaines de l’infrastructure, le gouvernement devrait donner aux organisations de soins de santé un accès direct au financement.

SoinsSantéCAN demande au gouvernement fédéral de créer un fonds de modernisation des infrastructures des soins de santé de 5 milliards de dollars sur trois ans, directement accessible aux organisations de soins de santé pour leur permettre d’effectuer les travaux d’entretien, d’améliorations et de nouvelles constructions longtemps retardés afin de doter la population canadienne d’un système de santé moderne, équitable et résilient face au climat. L’augmentation de l’investissement du gouvernement fédéral d’environ 1,6 milliard de dollars par an au cours des trois prochaines années, combinée à des augmentations supplémentaires du financement provenant des provinces et des territoires, contribuerait à aligner le Canada sur la moyenne des dépenses en capital de l’OCDE dans le domaine de la santé.

L’investissement dans les infrastructures, tant physiques que numériques, créera un système de santé plus résilient, durable et équitable et améliorera les soins et la sécurité des patients tout en stimulant l’économie du Canada, en créant des emplois et en aidant le pays à atteindre sa cible de carboneutralité.

4. Améliorer les résultats en santé et les services de santé à la grandeur du Canada.

La transformation des soins de santé et des résultats en santé suppose un changement dans l’approche pour offrir « les bons soins, au bon moment, par la bonne équipe, au bon endroit » tout au long de la vie d’une personne. Elle suppose également que les gouvernements tiennent compte des implications des politiques extérieures au secteur de la santé et de leur impact sur le système de santé et la santé de la population.

Pour répondre aux besoins en santé de plus en plus grands de la population canadienne, il faut renforcer le système de santé, mais il est tout aussi important de s’attaquer aux causes profondes de l’augmentation de la demande en agissant sur les déterminants sociaux de la santé afin d’éviter que les gens aient besoin de soins avancés et aigus.

En raison de la manière dont le système de santé canadien a été établi il y a près de 60 ans, les soins de santé au Canada sont axés sur le système de soins aigus. Pour contribuer à réduire la pression sur les hôpitaux et les travailleurs de la santé, qui sont débordés, les gouvernements devraient affecter des ressources aux services sociaux et de santé au sein de la communauté et créer une société qui favorise davantage un mode de vie sain.

Bien des défis auxquels le système de santé est confronté actuellement résultent du défaut des gouvernements d’accorder la priorité aux facteurs sociaux, environnementaux et économiques qui influencent la santé et d’accorder les ressources adéquates et les services basés sur la communauté qui tiennent compte de ces préoccupations. Par exemple, pour relever les défis de santé, il faut mettre en place, pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, des services de santé et des services sociaux dirigés par des Autochtones qui sont fondés sur des distinctions, qui tiennent compte des traumatismes subis, et qui sont sensibles à la culture.

Les personnes âgées tireraient profit de meilleurs réseaux de transport en commun, d’un accès à des repas sains et d’infrastructures mieux adaptées à leur âge pour vieillir dans la dignité, chez elles et dans leur communauté. Les enfants et les jeunes bénéficieraient quant à eux d’un meilleur accès à du logement sécuritaire et abordable, d’une plus grande sécurité alimentaire et d’un financement durable des services communautaires destinés aux jeunes afin de prévenir les piètres résultats socioéconomiques et sanitaires à long terme dus à la pauvreté infantile.

La prise en compte de ces besoins sociaux et économiques réduirait la demande sur le système de santé et permettrait aux gens de partout au pays de mener des vies plus saines et plus productives.

SoinsSantéCAN demande au gouvernement fédéral d’officialiser une « approche qui intègre la santé dans toutes les politiques » et qui comporte des cibles dans les domaines qui relèvent de sa compétence, afin d’améliorer les résultats en santé et les services à la population de l’ensemble du Canada. Une approche de la santé dans toutes les politiques est une approche qui tient compte systématiquement des incidences sanitaires et sociales des politiques envisagées par tous les secteurs du gouvernement et qui vise à obtenir des avantages synergiques et à minimiser les préjudices sociaux et liés à la santé. Plusieurs provinces et pays dans le monde ont déjà adopté officiellement une telle approche, notamment Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec, la Nouvelle-Zélande et l’Australie-Méridionale.