Le concept d’organisation à haute fiabilité (OHF) gagne du terrain dans le secteur des soins de santé à l’échelon mondial. Le cadre de cette approche se fonde sur les travaux des années 1970 montrant par quelles mesures les industries aéronautique et nucléaire parvenaient à minimiser les risques dans les contextes où le coût d’erreurs peut s’avérer catastrophique.
Les dirigeants des centres des sciences de la santé universitaires ont évoqué les OHF lors du Colloque national des Réseaux universitaires des sciences de la santé qui s’est tenu le 25 février dernier.
Une OHF désigne l’organisation qui a réussi à éviter une catastrophe dans un environnement où des accidents sont prévisibles en raison des facteurs de risque multiples et de la complexité du milieu.
Chris Power, directrice générale de l’Institut canadien pour la sécurité des patients, a animé le débat d’experts sur les OHF.
Elle a indiqué que malgré l’accent mis sur la sécurité des patients au cours de la dernière décennie, « nous causons toujours des préjudices à autrui. Toutes les 17 minutes, quelqu’un décède d’un événement évitable à l’hôpital ».
« Aussi compétents que nous soyons, nous échouons trop souvent et les événements indésirables sont beaucoup plus communs que nous le pensons ou voulons le croire », a fait écho en tribune le Dr Michael Apkon, président-directeur général de l’hôpital Hospital for Sick Children (SickKids) in Toronto.
Le Dr Peter Pisters, président et chef de la direction du Réseau universitaire de santé à Toronto, a déclaré que l’industrie médicale des soins s’expose à des critiques dès lors qu’en ce qui concerne la prévention des erreurs, elle échoue à tirer des leçons d’autres secteurs.
Tracy Kitch, présidente-directrice générale du Centre de soins de santé IWK à Halifax et membre du groupe d’experts, a cité une évaluation indépendante de l’Institut canadien pour la sécurité des patients en 2012 qui rendauit compte d’un sondage auprès des membres et dans lequel 94 % des répondants ont indiqué détenir un rôle ou un mandat officiel en matière de sécurité des patients au sein de leurs structures organisationnelles respectives. Mais Mme Kitch a déclaré qu’il reste beaucoup à accomplir, car des erreurs ou des méprises préjudiciables ne cessent de se produire.
Les organisations à degré élevé de fiabilité appliquent cinq principes, décrits ainsi par Apkon :
- Une préoccupation en lien avec l’échec et la vulnérabilité, sous un angle rétrospectif et prospectif
- Une attention portée aux processus opérationnels visant à garantir les communications, aussi bien horizontales que verticales
- Une réticence à simplifier les interprétations
- Un attachement à la résilience
- Une déférence envers la compétence afin que les décisions soient prises au niveau approprié
Apkon a indiqué que pour devenir une OHF SickKids collabore tant sur le plan international que localement pour faire fond de l’expertise d’autres organisations. Il a déclaré que son institution est le premier participant international d’un collectif coordonné à partir de Cincinnati et où convergent 100 établissements hospitaliers. Au moins trois autres centres canadiens sont aujourd’hui partie prenante de ce projet.
Apkon a noté que l’approche OHF à la sécurité des patients crée quelques tensions prévisibles au sein de l’Institution et ces tensions s’amplifient encore dans le cas de centres comme SickKids. Il a fait remarquer que, grâce à cette approche, il est possible de réduire de façon importante le nombre d’événements graves et a mentionné l’expérience du Nationwide Children’s Hospital in Columbus, Ohio. Ce centre a fait état d’une réduction des cas d’atteinte graves de près de 90 % en trois ans.
Toutefois, en décrivant les initiatives visant à créer une OHF au Réseau universitaire de santé, le Dr Pisters a rappelé que le véritable objectif des hôpitaux est de parvenir à éliminer totalement les erreurs évitables. Mme Kitch a fait valoir que l’incorporation de tous les principes et les pratiques d’une culture de la sécurité exige un engagement à long terme. Elle a mis en évidence la nécessité de compiler les résultats provenant d’un grand nombre d’événements indésirables et de quasi-accidents et de présenter des données identifiant les sytèmes de sécurité qui nécessitent le plus d’améliorations. Il doit avoir une cohérence entre les institutions dans les signalements effectués et un souci de transparence sur le plan du rendement, a-t-elle déclaré.
Kitch a souligné qu’il apparaît clairement qu’unies, les principales institutions d’enseignement universitaire au Canada possèdent les connaissances et l’expertise pour traiter de la question de la sécurité des patients et que les dirigeants peuvent amener l’industrie des soins de santé à s’engager sur un ensemble de livrables collectifs.
Apkon a noté que l’approche OHF à la sécurité des patients « n’est pas pour les cœurs fragiles » et qu’elle produit des tensions au sein de l’Institution qui s’amplifient encore dans des centres de premier ordre comme SickKids. À son avis, cette approche permet de réduire de manière significative le nombre d’événements graves et il a cité à cet égard l’expérience du Children’s Hospital de Columbus, Ohio. Ce centre a enregistré une réduction des événements indésirables graves de près de 90 % en trois ans. D’autres hôpitaux aux É.-U. ont signalé des résultats analogues au moyen de cette approche, a-t-il confirmé.
Pisters s’est prévalu du soutien et de l’aval du conseil d’administration et obtenu que le DG dirige l’initiative comme élément déterminant pour le succès d’établi une OHF. Il a déclaré qu’on reconnaissait également qu’un effort collaboratif entre les hôpitaux est l’approche appropriée pour protéger la sécurité des patients et fait remarquer que le RUS lui-même poursuit trois buts au regard de la sécurité des patients et des erreurs évitables : faire de la sécurité une valeur fondamentale; reconnaître la nécessité d’une nouvelle approche en matière de sécurité – un effort coordonné autour d’objectifs cohérents; et axer la démarche sur des données établies, avec un accent sur six maladies nosocomiales.
Kitch a évoqué également des modèles communautaires à l’échelon local pour mettre en œuvre une culture de la sécurité en faisant observer que plus de 30 directeurs-généraux de la Nouvelle-Écosse (pas tous dans le secteur de la santé) ont souscrit à une charte de la sécurité pour œuvrer à des milieux de travail plus sains et plus sûrs en mettant en commun des pratiques exemplaires.
Pendant la période des questions, Apkon a affirmé que les principes sous-jacents à l’établissement d’une OHF pourraient s’appliquer aux institutions ou aux cliniques de toute taille. La présence d’un réseau de centres des sciences de la santé universitaires permet plus aisément à d’autres de bénéficier du travail accompli, et d’ajouter : « Un tel effort ne nécessite pas de ressources considérables. »
Les membres du panel ont soulevé des questions très importantes concernant les OHF et fait assurément valoir qu’il convient de déployer plus d’efforts dans l’adoption d’une culture de la sécurité dans nos organisations de santé. La question qui se pose est que faire à présent? Du point de vue de SoinsSantéCAN, ce concept répond parfaitement à la nécessité d’étendre à plus grande échelle et à la grandeur du pays des pratiques novatrices. Il devrait constituer une pierre angulaire du prochain Accord sur la santé.
