SoinsSantéCAN est le porte-parole national des instituts de recherche en santé, des hôpitaux, des autorités sanitaires et des organisations de soins de santé du Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et de services de santé de grande qualité pour la population de l’ensemble du Canada. Nous nous réjouissons de l’occasion qui nous est donnée de présenter le présent mémoire au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires en vue du budget fédéral de 2025.
SoinsSantéCAN est très consciente des défis permanents auxquels sont confrontés la population du Canada et les travailleurs du système de santé concernant l’accès aux soins et leur prestation. Le budget de 2025 doit comprendre des mesures et des investissements ciblés pour améliorer l’accessibilité et la prestation de soins de qualité pour tous.
Essais cliniques
Le Fonds pour les essais cliniques, lancé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) en 2021, soutient les études menées par des chercheurs, ainsi que la coordination à l’échelle nationale. Il a notamment financé le Consortium Accélérer les essais cliniques (ACT), une initiative clé, dans laquelle il a investi 39 millions de dollars pour rationaliser le processus d’évaluation éthique, l’octroi des contrats et le démarrage d’essais à la grandeur du pays. Toutefois, le Canada reste freiné par des obstacles techniques qui limitent la capacité de mener des essais cliniques efficaces et équitables. Le démarrage des essais reste lent et dépasse souvent 35 semaines, en raison de la fragmentation des évaluations éthiques et de la duplication des contrats entre les différentes administrations. Le Canada prend du retard par rapport à ses pairs internationaux dotés de systèmes d’approbation unifiés.
De plus, les populations autochtones, rurales et marginalisées restent sous-représentées dans les essais, ce qui limite la généralisation des résultats de la recherche et perpétue les disparités. Le gouvernement fédéral l’a reconnu dans son Plan ministériel 2025-2026, qui détermine que l’accès équitable aux essais cliniques est une priorité clé, en particulier pour les populations pédiatriques et les personnes atteintes de maladies rares. Le soutien public reste fort, comme le révèle un sondage national réalisé par Recherche Canada en 2022, selon lequel 87 % des Canadiens croient que le pays doit être un leader mondial de la recherche médicale et en santé, 89 % affirment qu’elle contribue significativement au système de soins de santé, et 80 % considèrent qu’elle est vitale pour l’économie nationale.
Financement des trois conseils subventionnaires
Malgré les récents engagements fédéraux, l’investissement du Canada dans la recherche en santé reste en deçà des montants nécessaires pour que le pays reste compétitif à l’échelle mondiale. Le taux de réussite du programme de subventions de fonctionnement ouvertes des IRSC reste inférieur à 18 %, ce qui signifie que la plupart des propositions de grande qualité évaluées par des pairs, souvent présentées par des chercheurs en début de carrière et en quête d’équité, ne sont pas financées. Pourtant, ce défi va au-delà des taux de réussite. Le mémoire présenté par SoinsSantéCAN au Comité permanent de la science et de la recherche en 2024 insiste sur le besoin de renforcer le soutien aux institutions de recherche en santé et d’améliorer l’accès à du financement de base de la recherche, en particulier pour les hôpitaux. Sans un investissement accru et soutenu, l’écosystème de la recherche continuera d’être exposé à des vulnérabilités structurelles qui limitent sa capacité et sa planification à long terme.
À l’inverse, le National Institute for Health Research du Royaume-Uni a enregistré un taux de réussite des demandes de 35 % en 2021-2022, ce qui illustre le désavantage relatif du Canada. Le Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes a recommandé d’augmenter le financement de base afin de renforcer la compétitivité du Canada. Il est essentiel d’accélérer les augmentations prévues pour les trois conseils et de les indexer sur l’inflation afin d’empêcher l’érosion continue de la capacité de recherche et d’endiguer la perte des meilleurs talents.
Recrutement international
Le Canada accuse un retard par rapport à des pays pairs, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, qui ont mis en place des programmes spéciaux pour attirer les meilleurs chercheurs internationaux. Dans son budget de 2023, le gouvernement fédéral a fait part de son intérêt pour l’élaboration d’une stratégie nationale de recrutement des meilleurs talents en recherche, mais il n’a alloué aucun financement spécifique à cette fin. Il est donc urgent de mettre en place une initiative de recrutement coordonnée et bien financée afin d’inverser la perte de talents canadiens et de rétablir la compétitivité mondiale à long terme.
L’infrastructure de santé du Canada est essentielle pour fournir des soins de santé, effectuer de la recherche en santé et contribuer à l’édification de la nation et à la croissance économique. Toutefois, la plupart des établissements de santé du Canada comptent parmi les infrastructures publiques les plus anciennes encore en service aujourd’hui, puisqu’environ 48 % d’entre eux à l’échelle nationale et 70 % dans les villes ont été construits il y a plus de 50 ans.
Au cours des 20 dernières années, les investissements en capital dans l’infrastructure de santé ont fluctué et ont connu une baisse notable au cours des dernières années, malgré une augmentation constante des dépenses globales des soins de santé pendant cette période. L’incapacité du Canada à maintenir des investissements en capital suffisants dans ses établissements de santé compromet gravement la capacité du système de santé à fournir aux patients des soins de grande qualité, sécuritaires et innovants.
Par ailleurs, la technologie a transformé les modes de prestation des soins de santé au 21e siècle et, bien que les soins de santé numériques sont en expansion au Canada, des problèmes d’infrastructure fondamentaux et persistants empêchent leur utilisation à grande échelle et leur généralisation.
La modernisation de l’infrastructure de santé du Canada contribuerait à relever de nombreux défis auxquels le système de santé est confronté. Par exemple, l’intégration de technologies de pointe, comme les plateformes d’optimisation de la charge de travail, fournira des informations en temps réel pour soutenir la prise de décision clinique et opérationnelle, rendra la prestation des soins et le partage de l’information plus sûrs, plus efficaces et plus rationalisés, et contribuera à remédier à la pénurie de main-d’œuvre en libérant les travailleurs de la santé afin qu’ils puissent fournir des soins de meilleure qualité.
De plus, en raison des problèmes d’interopérabilité des dossiers de santé électroniques, les prestataires travaillent souvent dans des systèmes cloisonnés, ce qui peut empêcher l’échange de données sur les patients avec d’autres prestataires de soins et rendre difficile la coordination des soins entre différents milieux de soins, et au bout du compte, influer sur la qualité des soins prodigués aux patients.
Le développement des infrastructures numériques permettrait également d’offrir un accès plus fluide aux personnes qui souhaitent recevoir des soins dans le milieu de leur choix, que ce soit à domicile, dans leur communauté ou virtuellement, et de réaliser des économies pour le système de santé.
L’investissement dans l’infrastructure de santé, un important projet d’édification de la nation, stimulera l’économie du Canada, créera des emplois et améliorera l’accès des Canadiens à des soins de santé de grande qualité, d’un océan à l’autre et à l’autre. Les Canadiens accordent également de l’importance à l’investissement de fonds publics dans des technologies innovantes : 85 % croient qu’il est important de s’assurer que le Canada ne prenne pas de retard par rapport aux autres pays dans l’adoption des technologies de la santé et 83 % sont d’avis qu’il est important que le système de soins de santé utilise les technologies numériques de pointe et ne prenne pas de retard par rapport aux autres secteurs.
La stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’IA et les récents investissements de 3,5 millions de dollars à l’Institut Vecteur et de 2 millions de dollars à FluidAI pour les soins postopératoires, destinés à la formation, à l’adoption et à la commercialisation de l’IA, sont des pas importants dans la bonne direction. Un rapport suggère qu’en mettant en œuvre des applications d’IA dans le domaine des soins de santé, le Canada pourrait réduire ses dépenses nettes en soins de santé de 4,5 % à 8 % par an.
Toutefois, la réussite du Canada dans l’adoption de l’IA pourrait être sévèrement limitée du fait qu’il figure parmi les pays qui possèdent les plus bas niveaux de formation en IA et de confiance en celle-ci, selon une étude mondiale réalisée par KPMG en 2025. Ce constat est confirmé par un rapport d’analyse de Statistique Canada pour 2025, qui montre que le Canada se classe parmi les pays de l’OCDE où l’adoption de l’IA est la plus faible. Une stratégie exhaustive visant à sensibiliser la population aux risques, aux biais, aux considérations relatives à la vie privée et aux possibilités offertes par l’IA est essentielle pour renforcer la confiance et favoriser ainsi son adoption.
Le Canada peut devenir un chef de file de l’innovation en IA de la santé en créant des environnements dans lesquels les organisations de soins de santé canadiennes peuvent collaborer avec des partenaires commerciaux et privés, des patients, des universitaires et des gouvernements dans le but de stimuler la prochaine génération de jeunes pousses spécialisées dans l’IA qui sont prêtes à offrir des solutions canadiennes d’IA en santé. Le Nova Scotia Health Innovation Hub dirige le projet Nova Scotia Health’s Care Coordination Centre (C3), qui utilise un centre de commande GE Healthcare reliant plusieurs sites de la province et fournit des données en temps réel sur les besoins des patients, les capacités des services d’urgence, l’admission des patients, etc. Nova Scotia Health a intégré des solutions locales basées sur l’IA pour optimiser davantage le C3 afin qu’il puisse prévoir les pics d’activité et améliorer l’efficacité des salles d’opération.
En créant et en soutenant des centres régionaux d’innovation en IA et en santé numérique, comme celui de la Nouvelle-Écosse à la grandeur du pays, et en travaillant selon un modèle fédéré, le Canada pourrait stimuler l’innovation dans la prestation des soins de santé grâce à un partage généralisé des données, à une meilleure qualité des soins, à l’essai de solutions spécifiques à chaque région et à la fourniture d’informations exploitables pour l’amélioration continue des soins de santé.
Alors que le nombre de solutions d’IA en santé disponibles sur le marché augmente de façon exponentielle, il est nécessaire de mettre en place un processus officiel d’évaluation et d’approvisionnement pour assurer que le système de santé canadien utilise de manière rentable des solutions d’IA validées et à fort impact. Pour favoriser une adoption à grande échelle, le Canada a besoin d’un organisme pancanadien en mesure de soutenir les centres régionaux d’innovation en IA et en santé numérique qui réunit des experts chargés de fournir aux dirigeants du système de santé une évaluation indépendante et des recommandations sur les technologies d’IA en santé. Un tel organisme pourrait coordonner et harmoniser l’utilisation des technologies d’IA à l’aide de données sur leur efficacité, leur sécurité, leur qualité et leur coût, ce qui permettrait de réduire la fragmentation et le chevauchement. Des approches d’approvisionnement innovantes dans le secteur des soins de santé peuvent également offrir des occasions de renforcer la souveraineté et la sécurité du Canada en identifiant des solutions canadiennes adaptées à notre système de soins de santé unique.
PRÉSENTÉ
le 1 août 2025
POUR PLUS D’INFORMATIONS
Michelle McLean
Présidente et Chef de la direction
mmclean@healthcarecan.ca