SoinsSantéCAN est le porte-parole national des organisations de santé et des hôpitaux de la grandeur du Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et d’un meilleur accès à des services de santé de grande qualité pour les Canadiens, et nous renforçons la position des professionnels de la santé par nos programmes d’apprentissage de premier ordre. Nous sommes heureux de cette occasion de présenter notre mémoire aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) dans le cadre de leur étude « Définir l’avenir des essais cliniques aux Instituts de recherche en santé du Canada ». SoinsSantéCAN désire souligner l’apport considérable de son Comité des vice-présidents de la recherche en santé dans la préparation du présent mémoire.
Les essais cliniques sont une étape importante du développement de traitements novateurs pour assurer la sécurité et l’efficacité des nouvelles approches médicales lancées sur le marché. Le Canada a toujours été un chef de file mondial en ce domaine grâce, notamment, à des percées majeures en science et en recherche, à une population diversifiée de participants potentiels et à de solides capacités en matière d’essais cliniques.
De façon générale, on estime que la valeur du marché mondial de la recherche clinique s’établira à 57,46 milliards de dollars américains d’ici 2026. Comme les pays d’accueil des essais cliniques en retirent des avantages importants, le marché mondial devient de plus en plus concurrentiel à mesure que les pays investissent dans des mesures incitatives et qu’ils accroissent leur attractivité pour la tenue d’essais cliniques.
Bien que toutes les principales sociétés pharmaceutiques du monde mènent régulièrement des essais au Canada, elles ont néanmoins diminué le nombre d’essais cliniques réalisés dans le pays au cours de la dernière décennie en raison des divers défis et obstacles auxquels elles se sont heurtées. Les provinces et territoires ont déployé des efforts localisés ou ciblés dans un domaine particulier pour relever et surmonter ces défis et obstacles, mais cela a entraîné des dédoublements, des incohérences et des orientations différentes dans le pays. En l’absence d’une approche ciblée pour les essais cliniques à l’échelle pancanadienne, le Canada accuse de plus en plus de retard par rapport à des pays pairs.
Il est temps pour le Canada d’adopter une approche audacieuse à l’égard des essais cliniques et de créer une filière qui soutient mieux les stagiaires et les chercheurs au Canada, qui favorise et facilite les partenariats nationaux et internationaux, qui fait du Canada un endroit attrayant pour investir et réaliser des essais et qui place le Canada en bonne position pour réussir, dans le présent et dans l’avenir.
Le présent mémoire présente ci-après les recommandations de SoinsSantéCAN pour assurer la réussite du Canada dans le domaine des essais cliniques, en se basant sur les sept domaines clés décrits dans le document de consultation des IRSC.
Les essais cliniques apportent des approches médicales sécuritaires, novatrices et efficaces au système de soins de santé et au marché; ils entraînent une amélioration des résultats pour les patients; et ils permettent de réaliser des économies de coûts dans la prestation des soins de santé. L’élimination des obstacles à la mise en œuvre d’essais cliniques pour les chercheurs fera du Canada une destination mondiale de premier plan pour la recherche clinique de sorte que la population canadienne pourra continuer de bénéficier de ces traitements innovants et de possibilités d’emploi tout en voyant croître son économie.
La force des IRSC réside dans la coordination des aspects financiers et administratifs des subventions à la recherche en santé. Les IRSC doivent centrer leurs efforts dans ce domaine et continuer de renforcer leurs capacités pour pouvoir subventionner davantage de recherche et de chercheurs prometteurs et pour que le Canada reste compétitif sur la scène mondiale. Pour atteindre cet objectif dans le domaine des essais cliniques, les IRSC doivent :
Pour que les intervenants et les partenaires puissent favoriser des partenariats efficaces dans le cadre des programmes de financement des IRSC, il faudra notamment offrir :
Les essais cliniques novateurs (ECN) favorisent l’adoption de nouvelles méthodologies, mènent à de nouvelles découvertes et encouragent la collaboration avec les patients et les parties prenantes, y compris le secteur privé. Le Canada peut renforcer ses capacités dans ce domaine s’il y consacre les fonds adéquats, s’il assure la supervision, la coordination et l’intégration avec la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie du Canada et s’il progresse vers une filière qui privilégie les ECN par rapport aux essais cliniques traditionnels pour en tirer de plus grands avantages sanitaires et économiques.
Par ailleurs, pour renforcer ses capacités d’essais cliniques novateurs, le Canada doit accroître ses efforts dans le domaine de l’interconnectivité des données. Actuellement, il est difficile de faire des comparaisons entre les provinces et territoires, car il n’existe pas d’ensembles de données liées. Le Canada a besoin d’une stratégie de données pour les essais cliniques qui soit liée à la Stratégie pancanadienne de données sur la santé.
En ce qui concerne les nouveaux secteurs d’innovation dans le domaine des essais cliniques, il y aurait lieu d’inclure les essais suivants dans les initiatives sur les ECN :
Bien que certaines initiatives en cours du gouvernement fédéral, notamment la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie du Canada et le Fonds pour les essais cliniques, soient des pas dans la bonne direction, il existe encore de nombreuses lacunes dans la filière des essais cliniques au Canada. La pandémie de COVID-19 a montré que le Canada doit être mieux préparé aux pandémies dans le domaine des essais cliniques, y compris dans les domaines de la bioproduction et de l’essai des thérapies, car une bonne partie de ces essais ont été réalisés à l’extérieur du Canada pendant la pandémie en raison de notre manque de capacités.
Infrastructure et configuration des essais cliniques
Pour améliorer les capacités du Canada en matière d’essais cliniques, en particulier en ce qui a trait aux pandémies, il faut améliorer l’infrastructure et la configuration des essais cliniques. Le Canada a des faiblesses dans les premières phases de développement et dans la conception d’essais cliniques novateurs, y compris dans le développement de thérapies nouvelles et novatrices. Parmi les domaines où un soutien accru pour les essais cliniques pourrait contribuer au développement du secteur canadien de la biofabrication et des sciences de la vie, mentionnons :
Essais cliniques pour instruments médicaux
Il faut apporter un soutien supplémentaire aux essais cliniques pour instruments médicaux au Canada, en particulier pour la phase 1 et la phase 3. Les domaines ayant besoin d’un soutien accru décrits dans la section précédente s’appliquent également spécifiquement aux instruments médicaux.
Partenariats
L’augmentation des possibilités de partenariat est un autre aspect de la filière actuelle des essais cliniques du Canada sur lequel il faut se pencher, y compris en ce qui concerne la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie du Canada et le Fonds pour les essais cliniques. Pour renforcer la filière et les capacités du Canada dans le domaine des essais cliniques, il faut être mieux en mesure de s’associer avec des entreprises qui effectuent déjà un travail similaire et de diffuser et de mettre à l’échelle les solutions efficaces.
Au Canada, les essais cliniques sont menés dans un environnement complexe, souvent dans plusieurs provinces ou territoires, à de multiples endroits, et chaque étude nécessite des approbations d’éthique et de gouvernance avant de pouvoir commencer. Bien que ces approbations préservent le bien-être des participants, l’obligation pour chaque endroit où se déroule un essai clinique d’obtenir des approbations, ajoute une duplication inutile, exige du temps et des ressources considérables et entraîne des coûts, ce qui retarde le début des essais. Or, ce n’est qu’un exemple des obstacles que rencontrent les chercheurs dans la filière canadienne des essais cliniques.
Les pays pairs qui ont augmenté leur attractivité comme endroit où mener des essais cliniques ont axé leurs efforts sur la réduction des obstacles et la rationalisation des opérations. Le Canada doit faire de même s’il souhaite devenir un marché de premier plan pour les essais cliniques dans le monde.
Pour commencer, le Canada a besoin d’un cadre pancanadien moderne pour les essais cliniques et d’un nouvel organisme indépendant relevant de Santé Canada et chargé de la mise en œuvre et de la gouvernance continue du cadre des essais cliniques au Canada. La présente consultation initiale est un bon point de départ pour l’élaboration d’un tel cadre. Des consultations supplémentaires portant spécifiquement sur un cadre moderne pour les essais cliniques auxquels participeront tous les intervenants des essais cliniques et tous les ordres de gouvernement contribueront à préciser un cadre moderne pour les essais cliniques au Canada.
De plus, un nouvel organisme pancanadien indépendant pour les essais cliniques permettrait de coordonner et d’assurer la gouvernance à l’échelle pancanadienne des essais cliniques à la grandeur du pays; de mettre en œuvre le cadre des essais cliniques; et d’assurer le suivi continu de la filière des essais cliniques. Les membres de cet organisme seraient une combinaison représentative d’intervenants de la filière des essais cliniques au Canada qui ont de l’expertise dans les divers aspects du système des essais cliniques, notamment des chercheurs des instituts de recherche en santé, du secteur privé, du milieu universitaire et du gouvernement; des patients; et des représentants de tous les ordres de gouvernement.
Cet organisme pancanadien de gouvernance des essais cliniques serait complété par une infrastructure pancanadienne visant à mieux soutenir et à harmoniser les essais cliniques au Canada et à encourager les provinces, les territoires et les régions de tout le pays à travailler ensemble et à partager leurs apprentissages. Ainsi, des mesures de soutien favoriseraient une meilleure coordination, une plus grande collaboration et un partage de l’information entre les institutions et les provinces et territoires. Elles accéléreront les essais cliniques et encourageront la mobilisation des connaissances.
Si les essais cliniques relevaient d’une gouvernance pancanadienne, les initiatives de financement seraient mieux coordonnées, ce qui permettrait :
La filière des essais cliniques au Canada peut également être améliorée dans d’autres domaines, notamment par les mesures suivantes :
Les modèles d’autres pays nommés dans le document de consultation des IRSC offrent d’excellents exemples d’initiatives que le Canada devrait mettre en œuvre pour renforcer sa filière d’essais cliniques et positionner le Canada de manière à ce qu’il obtienne un succès à long terme.
Intégration des essais cliniques dans le système de santé
En juin 2022, le gouvernement britannique a publié un rapport intitulé « The Future of Clinical Research Delivery: 2022 to 2025 Implementation Plan », dans lequel il décrit son approche pour intégrer la recherche clinique dans le système de santé. Cette démarche est en cours et elle vise à ce que la recherche en santé menée au Royaume-Uni soit considérée comme faisant partie intégrante du système de soins de santé.
Le Canada devrait faire de même. L’intégration des investissements en recherche clinique directement dans le système de santé et l’intégration automatique des patients dans la recherche qui leur est bénéfique (avec une option de retrait) permettront à un plus grand nombre de patients de bénéficier de la recherche pertinente pour eux, en plus d’offrir aux chercheurs cliniciens un meilleur accès aux populations de patients (y compris dans le cadre des soins primaires, ce qui permet d’insister davantage sur la prévention) et d’accélérer l’application des connaissances par la conversion des interventions prometteuses en recherche clinique en pratiques de soins de santé. Le volet « application des connaissances » est particulièrement prometteur, car le Canada est moins performant lorsqu’il est question d’investissement et de mise en application de la recherche en santé.
Réalisation d’essais cliniques en établissements de soins primaires
Bien des pays dans le monde, y compris l’Australie et le Royaume-Uni, ont les capacités et le financement pour mener des essais cliniques dans les établissements de soins primaires. Le Canada éprouve actuellement des difficultés à faire de même et il y aurait lieu d’examiner ces modèles internationaux pour déterminer des approches susceptibles d’être reproduites au Canada, ainsi que le rôle que les hôpitaux communautaires peuvent jouer dans ces types d’essais.
Application des connaissances
L’approche à l’application des connaissances du National Institute for Health and Care Research, qui consiste notamment à financer la distribution des données et autres éléments probants dans le système de santé, est un autre exemple provenant du Royaume-Uni que le Canada pourrait reproduire. Le financement actuel des IRSC n’est pas suffisant pour soutenir à la fois la production de la recherche et sa diffusion et son application dans la pratique. La communauté de la recherche en santé a observé que le financement de Santé Canada/IRSC ne soutient pas l’application des connaissances autant que le financement reçu par l’entremise d’Innovation, Science et Développement économique (ISDE). Par exemple, le programme de subventions Alliance administré par le CRSNG, qui relève d’ISDE, est un programme de financement qui soutient l’application. Par contre, des programmes fédéraux d’innovation comme le Fonds stratégique pour l’innovation et le Fonds stratégique des sciences ne comprennent pas de volet dédié à l’application des connaissances.
La création d’une division ou d’un programme relevant de Santé Canada pour faciliter l’application des connaissances en établissant les normes de mise en pratique de la recherche en santé favoriserait une plus grande adoption des meilleures pratiques et améliorerait les résultats en santé. Cela pourrait se faire en créant un centre de méthodologie ou en prenant en charge la Stratégie de recherche axée sur le patient des IRSC. Il faudrait adopter cette approche pour toute la recherche en santé, y compris les essais cliniques.
Il y a également des exemples sur la scène nationale d’approches visant à assurer la mise en œuvre des innovations de la recherche en santé dans le système de santé. C’est le cas de l’approche Health System Research and Innovation de l’Alberta qui décrit le processus en cinq étapes pour la mise à l’essai rigoureuse et continue de l’innovation à travers les différentes phases de la mise en œuvre en partenariat avec les chercheurs, les patients et les équipes de soins de santé.
Établissement des priorités de recherche
Un autre domaine dans lequel le Canada pourrait apprendre de ses pairs internationaux est celui de la participation des personnes qui vivent ou ont vécu une expérience, qu’il s’agisse de patients/résidents, proches aidants, chercheurs ou prestataires de soins de santé, dans l’établissement des priorités de recherche.
La James Lind Alliance (JLA) Method du Royaume-Uni est un exemple qui encourage les partenariats pour établir les priorités. Cette méthode prévoit la participation des patients, des proches aidants et des professionnels de la santé pour déterminer une liste des « 10 principales » priorités de recherche. Il y a aussi des exemples de cette approche dans notre pays, comme le Partnership for Research and Innovation in the Health System (PRIHS) de l’Alberta qui renforce la capacité de la recherche en santé en encourageant les collaborations entre les établissements d’enseignement universitaire, les chercheurs en santé et les chercheurs cliniciens, les patients et l’AHS pour faire correspondre les efforts de production de connaissances des chercheurs avec les besoins en données probantes du système de santé.
Le Canada a déployé des efforts pour promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI), mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer l’EDI et relever la barre de l’excellence en recherche au Canada.
Comme nous l’avons souligné dans la section précédente portant sur l’établissement des priorités de recherche, il existe des exemples, ici et ailleurs dans le monde, de mesures permettant de favoriser une participation plus efficace des divers intervenants dans l’élaboration des essais cliniques, notamment la James Lind Alliance (JLA) Method et l’approche Partnership for Research and Innovation in the Health System (PRIHS) de l’Alberta.
Le Canada peut également adopter d’autres approches, comme élaborer des normes, créer des programmes et offrir du financement pour améliorer l’EDI au sein des équipes de recherche et parmi les participants aux essais cliniques, y compris les personnes faisant partie de groupes en quête d’équité ou qui vivent ou ont vécu des expériences en cette matière. Voici quelques recommandations à cette fin :
En raison de l’absence d’une vision canadienne audacieuse et d’une structure de gouvernance globale pour les essais cliniques, le Canada ne peut améliorer la coordination, la collaboration et le partage de l’information au sein de la filière. Au moment où il cherche à élaborer une stratégie à long terme relative aux essais cliniques, il doit se demander comment il peut créer une filière canadienne qui fonctionne bien pour toutes les parties prenantes au pays, tout en maintenant l’attractivité du Canada comme endroit où investir et mener des essais cliniques.
En élaborant une stratégie à long terme relative aux essais cliniques, il est important de tenir compte des questions suivantes :
PRÉSENTÉ
le 1 décembre 2022
POUR PLUS D’INFORMATIONS
Bianca Carlone
Analyste des relations gouvernementales et des politiques
bcarlone@healthcarecan.ca
Jonathan Mitchell
Vice-président, Recherche et politiques
jmitchell@healthcarecan.ca